Simon

Karine, maman de Simon


 Mon fils Simon avait 15 mois quand j'ai commencé à questionner de nombreux spécialistes. J'ai tout entendu sauf la réalité :"il est sourd"(une ORL), "il est psychotique" (une pédo-psychiatre), "je ne peux rien pour lui" (une orthophoniste),"vous êtes une femme intelligente, votre fils parlera comme tous les enfants" (un pédiatre)... Et j'en passe !
    Simon avait 3 ans quand un ami psychologue a enfin accepté de me dévoiler le diagnostic après que j'ai haussé le ton et exprimé mon ras le bol de cette incertitude. Mon enfant était devenu un extra-terrestre pour moi qui ai tant de facilités à communiquer avec les enfants et les adolescents habituellement.
    Dans ce laps de temps, j'ai perdu mon mari, donc mon emploi, donc mon moral, donc une grande partie de mes amis et de ma famille. Du soutien ? Je n'en ai pas eu.
    Simon est entré à l'âge de 2 ans en maternelle puis a doublé cette classe avec une institutrice non disposée à s'en occuper et une AVS parfois présente, toujours en retard et pas formée. Je suis souvent repartie avec mon enfant "sous le bras"car la maîtresse d'école refusait de prendre Simon sans son aide scolaire. J'étais en train de créer ma propre entreprise et de suivre 2 formations en parallèles. Inutile de préciser que j'ai revendu mon local à peine acquis, ravalé ma fierté et oublié mes rêves professionnels.
    J'ai lu tous les bouquins, parfois me guidant, parfois me déprimant. J'ai pêché dans tous les endroits possibles le moindre nom, la moindre adresse. Je suis allée dans des réunions, j'ai discuté avec les professionnels, les instits, les parents...L'autisme était devenu mon travail, mes pensées, mes paroles, mes rêves et cauchemars.
    J'ai visité aussi...J'ai visité des lieux insalubres peuplés d'enfants et d'adultes livrés à eux-mêmes. J'ai vu le pire et l'inimaginable dans un pays "civilisé".
    Après bien des batailles, j'ai eu une place pour Simon dans un hôpital de jour. Sa prise encharge était plus que partielle. Après des mois d'aller-retour entre l'hôpital où il passait une heure ou deux et l'école où il faisait tapisserie une ou deux matinées hebdomadaires, j'ai sorti mon enfant de ce qu'on ose appeler l'école maternelle NORMALE - C'est-à-dire, celle qui reçoit les enfants pour les socialiser - afin de le placer dans une école SPÉCIALE -que je trouve tellement"normale" !- Une école avec des couleurs et des rires où un personnel compétent, disponible et ouvert serait apte à s'occuper de mon enfant.   
    Je n'ai pas trouvé cette école en France malgré le loi de 2005 sur la scolarisation des enfants handicapés. J'ai été dans l'obligation d'exiler mon fils en Belgique à 125 Kms de la maison ! 3 heures de route quotidiennes à l'âge de 4 ans pour aller en classe ! Combien d'adultes en font autant pour aller travailler ? Je ne peux m'empêcher de comparer cette triste situation à celles des petits africains qui parcourent de nombreux kilomètres pour aller dans la seule école de leur région.
    Bien sûr la CCPE (aujourd'hui MDPH) a tenté de m'imposer un établissement (où, évidemment il n'y avait pas de place) digne d'un autre siècle. "Un hangar à bestiaux où l'on parque des enfants" m'a dit un ex-employé de cet établissement !
    Aujourd'hui, Simon est heureux d'aller en classe en Belgique afin d'être éduqué et non à l'hôpital-pour y soigner quoi ?- Mais la bataille n'est pas, et ne sera jamais terminée.Chaque année la scolarisation de mon enfant est remise en question et je dois m'élever avec une détermination sans faille devant l'injustice que l'on fait à ces enfants différents qui ont droit à une éducation différente mais à une éducation dans la dignité et le respect de leurs spécificités.
    Simon fait d'énormes progrès dans son école mais surtout grâce à une thérapie comportementale à domicile au quotidien et qui me coûte, ce n'est pas un détail, la totalité de mon salaire.
    L'association LA MAIN TENDUE permettra d'alléger un peu ce fardeau et je me fais la voix de mon fils pour l'en remercier.
                                                                                                             
Karine WIBAUT DASSONNEVILLE Janv. 2009